Bonne description de l'ambiance même si être seul exige dorénavant de se mettre à l'eau à la frontale.
"Les vagues sont pour ceux qui se lèvent tôt.
Vent de terre qui peigne l'océan, plages enfin désertes et sans bruit, couleurs étonnantes, c'est bien entendu à l'aube que les vrais surfers se jettent à l'eau.
Dormez, dormez bien estivants crémés à la Biafine… Et laissez donc la plage un peu tranquille. L'aube recouvre le ciel d'un drap rose et orange. La plage est si déserte que même les mouettes s'y sentent seules. Frôlant d'abord les pins, le vent d'est retombe sur l'océan comme une main sur un dos bronzé : la mer frissonne et se plisse et se cambre et explose en approchant la plage.
Il est si tôt. Dormez bien Parisiens épuisés, Allemands cramés, Hollandais démâtés, et ne regrettez rien, ce spectacle n'est pas pour vous. Ce jeudi, les vagues atlantiques accostent sur les bancs de sable en étirant leurs bras ronds et transparents.
Ouais, ce matin, y a du surf !
Et donc des surfers. À 6 h 30 oui. Le surfer est peut-être un feignant, mais c'est un lève-tôt. Chers parents, un conseil : si votre grand benêt de fils est incapable de décoller du lit avant midi, mettez-le au surf, il vous surprendra.
Parce que le surf, c'est avant tout le matin. Pendant que la masse cuve encore ses mojitos sous la tente du camping des Flots Bleus, Antoine, 22 ans, fouille dans son sac, sort une petite boîte et waxe sa longboard en silence en regardant l'océan. Puis explique ce qu'il fait là, au point du jour : « D'abord, je travaille, alors le surf, c'est maintenant et pas plus tard. Ensuite, ben c'est les conditions. Le matin, le vent est faible, il vient de la terre, ce qui range bien les vagues. Et puis y a personne, c'est super. »
Seul dans la lumière du jour
Le surfer a besoin d'une vague lisse et creuse. C'est-à-dire, sur l'Atlantique, de conditions anticycloniques, avec un vent d'est qui coiffe l'océan et peigne les vagues bien comme il faut. Et si possible un grand ciel prêt à devenir tout bleu.
Les voilà donc entre eux, entre surfers, vrais surfers, et qui se reconnaissent les uns les autres, et qui savent ce que valent ces heures dans l'eau coloriée par la lumière du matin, et qui se comprennent bien sans même se parler, tous pris dans le même truc un peu givré : « Faut se lever, ces vagues se méritent, mais en même temps, bon ben c'est comme une drogue hein, on vient prendre notre shoot quoi… »
Et comme souvent dans les affaires de drogue, ça n'est pas sans poser des tonnes de problèmes aux accros. D'abord sur le plan de la vie sentimentale. Nous avons justement sous la main des gars qui captent bien l'enjeu de tout ça. Adrien, Mario et leurs potes ont, sur le sujet, des choses à dire. « Au début, la nana, elle est super heureuse. Ha ouais, t'es un surfer ? Génial ! Beau, bronzé, le sel sur la peau tout ça quoi. Mais très vite, la fille change d'avis. »
Et pourquoi donc ? « Ben la nana, au bout d'un moment, se lever seule, prendre le petit déjeuner seule, ça la gonfle grave. Alors elle te demande de rester, et si tu dis non, ben elle te menace, et des fois, elle te quitte. Parce que quand elle voit les heures que tu passes dans l'eau, et donc pas avec elle, elle ne supporte plus… »
La question est si grave que des sociologues, des anthropologues ont enquêté. Anne-Sophie Sayeux, dans « Surfeurs, l'être au monde » (publié à l'Harmattan en 2008) demande à Bernard, qui passe sa vie dans l'eau, « Et votre femme, elle pratique ? » Bernard est piégé : « Non. C'est la grosse difficulté des femmes de surfeurs. C'est quelque chose de très difficile à vivre. On ne peut rien faire contre cette drogue. Mais comme ma femme ne pratique pas, cette dépendance, pour elle, c'est presque risible. »
D'ailleurs, Mario et ses potes rigolent et vont directement au fond du problème avant de partir à l'eau : « Le surf, c'est le surf, et c'est à prendre ou à laisser ! » Sur la plage ce matin, aucune surfeuse.
Un peu de métaphysique…
Seconde après seconde, le soleil blanchit la lumière. Les pins se grattent la cime et ouvrent leurs grands yeux verts. Les coquillages respirent un peu de fraîcheur avant que la mer ne descende.
Au large, on est bien. Ici, derrière les vagues, la terre est toujours loin. La bulle dans laquelle on évolue protège de tout : le quotidien, les contraintes, tout ce qui fait que la vie est parfois tellement pesante. Là, on flotte sans penser à grand-chose sinon à la prochaine vague. « Sur ta planche, t'es hors du monde et complètement dans l'univers, tu vois ce que je veux dire ? »
La glisse n'est finalement qu'une vue très partielle du surf. Au bout du compte, les quelques minutes réellement passées les pieds sur le surf, au cœur de la vague, ne résument pas grand-chose d'une session. L'écume jouissive on va dire.
C'est l'heure de rentrer. Quelques personnes s'autorisent déjà à marcher sur le sable, le soleil étire ses rayons en cherchant un Anglais à martyriser, la plage s'angoisse à l'idée de se faire piétiner toute la journée. Les surfers plient les gaules. Avec dans les bras une douce langueur : la fatigue de celui qui a déjà bien gagné sa journée "
"Les vagues sont pour ceux qui se lèvent tôt.
Vent de terre qui peigne l'océan, plages enfin désertes et sans bruit, couleurs étonnantes, c'est bien entendu à l'aube que les vrais surfers se jettent à l'eau.
Dormez, dormez bien estivants crémés à la Biafine… Et laissez donc la plage un peu tranquille. L'aube recouvre le ciel d'un drap rose et orange. La plage est si déserte que même les mouettes s'y sentent seules. Frôlant d'abord les pins, le vent d'est retombe sur l'océan comme une main sur un dos bronzé : la mer frissonne et se plisse et se cambre et explose en approchant la plage.
Il est si tôt. Dormez bien Parisiens épuisés, Allemands cramés, Hollandais démâtés, et ne regrettez rien, ce spectacle n'est pas pour vous. Ce jeudi, les vagues atlantiques accostent sur les bancs de sable en étirant leurs bras ronds et transparents.
Ouais, ce matin, y a du surf !
Et donc des surfers. À 6 h 30 oui. Le surfer est peut-être un feignant, mais c'est un lève-tôt. Chers parents, un conseil : si votre grand benêt de fils est incapable de décoller du lit avant midi, mettez-le au surf, il vous surprendra.
Parce que le surf, c'est avant tout le matin. Pendant que la masse cuve encore ses mojitos sous la tente du camping des Flots Bleus, Antoine, 22 ans, fouille dans son sac, sort une petite boîte et waxe sa longboard en silence en regardant l'océan. Puis explique ce qu'il fait là, au point du jour : « D'abord, je travaille, alors le surf, c'est maintenant et pas plus tard. Ensuite, ben c'est les conditions. Le matin, le vent est faible, il vient de la terre, ce qui range bien les vagues. Et puis y a personne, c'est super. »
Seul dans la lumière du jour
Le surfer a besoin d'une vague lisse et creuse. C'est-à-dire, sur l'Atlantique, de conditions anticycloniques, avec un vent d'est qui coiffe l'océan et peigne les vagues bien comme il faut. Et si possible un grand ciel prêt à devenir tout bleu.
Les voilà donc entre eux, entre surfers, vrais surfers, et qui se reconnaissent les uns les autres, et qui savent ce que valent ces heures dans l'eau coloriée par la lumière du matin, et qui se comprennent bien sans même se parler, tous pris dans le même truc un peu givré : « Faut se lever, ces vagues se méritent, mais en même temps, bon ben c'est comme une drogue hein, on vient prendre notre shoot quoi… »
Et comme souvent dans les affaires de drogue, ça n'est pas sans poser des tonnes de problèmes aux accros. D'abord sur le plan de la vie sentimentale. Nous avons justement sous la main des gars qui captent bien l'enjeu de tout ça. Adrien, Mario et leurs potes ont, sur le sujet, des choses à dire. « Au début, la nana, elle est super heureuse. Ha ouais, t'es un surfer ? Génial ! Beau, bronzé, le sel sur la peau tout ça quoi. Mais très vite, la fille change d'avis. »
Et pourquoi donc ? « Ben la nana, au bout d'un moment, se lever seule, prendre le petit déjeuner seule, ça la gonfle grave. Alors elle te demande de rester, et si tu dis non, ben elle te menace, et des fois, elle te quitte. Parce que quand elle voit les heures que tu passes dans l'eau, et donc pas avec elle, elle ne supporte plus… »
La question est si grave que des sociologues, des anthropologues ont enquêté. Anne-Sophie Sayeux, dans « Surfeurs, l'être au monde » (publié à l'Harmattan en 2008) demande à Bernard, qui passe sa vie dans l'eau, « Et votre femme, elle pratique ? » Bernard est piégé : « Non. C'est la grosse difficulté des femmes de surfeurs. C'est quelque chose de très difficile à vivre. On ne peut rien faire contre cette drogue. Mais comme ma femme ne pratique pas, cette dépendance, pour elle, c'est presque risible. »
D'ailleurs, Mario et ses potes rigolent et vont directement au fond du problème avant de partir à l'eau : « Le surf, c'est le surf, et c'est à prendre ou à laisser ! » Sur la plage ce matin, aucune surfeuse.
Un peu de métaphysique…
Seconde après seconde, le soleil blanchit la lumière. Les pins se grattent la cime et ouvrent leurs grands yeux verts. Les coquillages respirent un peu de fraîcheur avant que la mer ne descende.
Au large, on est bien. Ici, derrière les vagues, la terre est toujours loin. La bulle dans laquelle on évolue protège de tout : le quotidien, les contraintes, tout ce qui fait que la vie est parfois tellement pesante. Là, on flotte sans penser à grand-chose sinon à la prochaine vague. « Sur ta planche, t'es hors du monde et complètement dans l'univers, tu vois ce que je veux dire ? »
La glisse n'est finalement qu'une vue très partielle du surf. Au bout du compte, les quelques minutes réellement passées les pieds sur le surf, au cœur de la vague, ne résument pas grand-chose d'une session. L'écume jouissive on va dire.
C'est l'heure de rentrer. Quelques personnes s'autorisent déjà à marcher sur le sable, le soleil étire ses rayons en cherchant un Anglais à martyriser, la plage s'angoisse à l'idée de se faire piétiner toute la journée. Les surfers plient les gaules. Avec dans les bras une douce langueur : la fatigue de celui qui a déjà bien gagné sa journée "
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